Budget : après le dérapage 2023, le naufrage 2024 ?

La France est officiellement au bord du gouffre. Le dérapage du budget 2023 que le gouvernement prétend découvrir est en réalité un vaste mensonge. Un mensonge dont Bruno Le Maire, mais aussi Gabriel Attal, sont les principaux responsables.

Le premier, parce qu’il est ministre des Finances depuis sept ans. Le deuxième, parce qu’il était ministre… chargé des comptes publics jusqu’en juillet 2023, et Premier ministre depuis janvier. Ni l’un ni l’autre ne peuvent dire “nous ne savions pas”, ou plutôt “nous ne pouvions pas savoir”.

Il faut que les Français comprennent bien que le dérapage – ou plutôt, le déraillement – du budget 2023 n’a rien d’anecdotique : les 18 milliards d’euros qui manquent à l’appel représentent… deux fois le budget de fonctionnement du ministère de la Justice !

budget dérapage finances dette bruno le maire alexandre sabatouCette catastrophe budgétaire prouve l’irresponsabilité totale et l’incompétence de Bruno Le Maire, en décalage total avec les analyses et les alertes répétées des institutions économiques.

On a donc de quoi sérieusement s’inquiéter à la lecture du budget 2024, qui est au moins aussi insincère que le précédent. L’OFCE prévoit en effet sur une croissance de 0,8% en 2024 tandis que la Banque de France se positionne sur 0,9%.

Le Président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, rappelait d’ailleurs ces données dès le 27 septembre 2023 devant la commission des Finances du Sénat. Le même jour, à l’Assemblée Nationale, les députés Rassemblement National dénonçaient, devant le ministre des Finances, le fait que le désordre économique et fiscal soit devenu la règle dans notre pays, enfonçant toujours plus la France dans la spirale de la dette.

Malgré ces nombreux signaux d’alerte, Bruno Le Maire, ministre des Finances, Thomas Cazenave, ministre des comptes publics ont d’abord défendu devant la représentation nationale des projections irréalistes avec une croissance de 1,4% en 2024, qui aujourd’hui semblent davantage relever de la méthode Coué que d’une analyse économique objective.

Ce décalage n’est pas anodin. Il interroge non seulement sur la fiabilité des prévisions économiques présentées aux parlementaires et à la Nation, mais il révèle également une insincérité fondamentale quant à l’état réel de nos finances publiques.

Jamais, dans l’histoire de la Ve République, le décalage entre les prévisions – les promesses – et la réalité n’avait été aussi grand.

Pourtant, lors du contrôle sur pièces, à Bercy, du rapporteur général de la commission des Finances du Sénat, Jean-François Husson, nous avons découvert l’existence de notes internes accablantes.

L’administration de Bercy a multiplié les alertes dès octobre 2023 et jusqu’au début 2024 sur la situation économique dégradée de la France, tandis que le gouvernement s’obstinait à dissimuler l’état réel des finances publiques à la représentation nationale.

Cette dissimulation s’est conclue par un passage en force via l’article 49-3 et l’adoption du projet de loi de finances 2024 sans vote au Parlement.

Cette insincérité du débat budgétaire masque une gestion désastreuse des finances publiques depuis 2017 par Emmanuel Macron qui s’illustre avec un chiffre :  la France est endettée à hauteur de 3 100 milliards, sans compter les dettes “hors bilan”.

Depuis son élection en 2017, Emmanuel Macron a creusé la dette de 900 milliards d’euros. La Cour des comptes estime qu’à la fin de l’année 2024, nous atteindrons les 1 000 milliards d’euros de dettes supplémentaires dont seulement 260 milliards sont directement imputables aux dépenses exceptionnelles de soutien et de relance mises en place depuis la COVID.

En seulement sept ans, Emmanuel Macron aura créé un tiers de dettes supplémentaires à lui seul.

Au-delà des chiffres, notre souveraineté économique est en jeu ainsi que notre capacité à faire face aux futures crises.

Comme l’indique Marine Le Pen, face à un mur de dette s’élevant à 110 % du PIB fin 2023, l’urgence d’une stratégie nationale est impérative, la juxtaposition des coûts de rabots ne faisant pas une politique.

Cette stratégie doit s’attaquer aux racines du problème avec pragmatisme et détermination, à travers des réformes structurelles profondes et un réel engagement en faveur d’une gestion budgétaire responsable.

La réforme de l’État, vieux serpent de mer depuis des décennies, devient absolument nécessaire pour réduire le déficit et prévenir les capacités d’investissements.

L’une des pistes serait, à l’image de ce qui est imposé aux collectivités territoriales, de séparer les dépenses de fonctionnement du budget d’investissement qui seul pourrait être financé par la dette.

La deuxième grande priorité doit être la lutte contre toutes les formes de fraude, sociale et fiscale : alors que la France est le pays avec le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé au monde et croule sous la dette, il est urgent de restaurer la justice fiscale en luttant contre la fraude, véritable pillage des ressources de la Nation.

Cela implique la création d’un ministère dédié et un renforcement des contrôles, face à des fraudes significatives s’élevant à des dizaines de milliards d’euros, favorisées par les pratiques déloyales imposées par Bruxelles.

Si l’exigence du rétablissement des comptes publics est indispensable, il conviendra dans le même temps de desserrer l’étau normatif qui tue la compétitivité de nos entreprises.

L’excès des normes qui étouffent la capacité entrepreneuriale et les potentiels de croissance de l’économie française doit être combattue par : une fluidification des relations entre les entreprises et l’administration, la lutte contre la surtransposition des normes européennes et la simplification du droit (400 000 normes en France).

Les solutions sont déjà identifiées ; ce qui fait défaut en France, c’est la volonté politique nécessaire pour les appliquer depuis 50 ans. 

Alexandre Sabatou
Député de l’Oise