Violences urbaines, on n’éteint pas un incendie avec un pistolet à eau

Entre incantations et cadeaux du père Noël avant l’heure (100 millions d’euros !), Élisabeth Borne a dévoilé la stratégie sécuritaire du gouvernement pour faire face aux violences urbaines. Il est vrai que les émeutes survenues au début du mois de juillet dernier dans le prolongement de « l’affaire Nahel » ont laissé un goût amer.

Par l’ampleur des dégâts occasionnés tout d’abord, avec une facture évaluée à près d’1 milliard d’euros pour laquelle le contribuable ne manquera pas d’être sollicité. Par la contagion, ensuite, à certaines villes petites et moyennes qui, jusque-là, étaient relativement épargnées. Enfin, par l’impossibilité avérée pour l’Etat de gérer un type d’événement, désormais récurrent et manifestement hors de contrôle.

La Première ministre est donc venue dévoiler à la Sorbonne devant 500 maires, les solutions qu’elle compte mettre en œuvre face à l’ampleur d’un phénomène auquel elle n’a visiblement toujours rien compris.

En effet, parmi les mesures annoncées, certaines ressortent du fond des tiroirs, quand d’autres ne seront in fine que des gadgets coûteux mais complètement inefficaces.

Parmi les mesures ressuscitées, le possible appel à des militaires pour encadrer des jeunes délinquants. Madame Borne sait-elle que de pareilles options ont été mises en œuvre il y a quelques années et que les résultats s’étaient montrés fort décevants. Sans doute pas ! Alors redisons lui que des professionnels compétents existent déjà et qu’il suffirait sans doute, tout en renforçant leurs effectifs et leur formation, de leur donner les moyens juridiques et financiers nécessaires.  Ces agents relèvent notamment de la protection judiciaire de la jeunesse, institution actuellement en plein naufrage !

En ce qui concerne la mise en place d’une force de protection républicaine, appellation bien pompeuse pour parler d’une équipe pluridisciplinaire composée de magistrats, de policiers, de gendarmes et d’élus qui continueront, comme par le passé, à disserter sur le sexe des anges, mais n’auront aucun impact sur la délinquance.

Également au programme, mais non évoquée par Élisabeth Borne, la création, dans le droit fil de la désormais fameuse CRS 8, d’unités supplémentaires (CRS 81, 82, 83…) implantées notamment sur Marseille et Lyon.

Ces unités qui coûteront extrêmement cher, parce que fonctionnant suivant un rythme de travail très spécifique, n’apporteront en réalité sur le terrain qu’un appui opérationnel limité en effectifs, pour un résultat qui n’aura de ce fait rien de miraculeux. Par ailleurs, à l’instar de ce qui se passe d’ores et déjà pour la CRS 8, la multiplicité des missions risque fort d’obérer rapidement un potentiel tactique déjà peu probant.

La lutte contre les violences urbaines passe par un schéma stratégique global dont les lignes peuvent être facilement fixées. Le renseignement préalable, destiné à connaître et identifier formellement les individus et les réseaux capables de se mobiliser en cas d’évènements graves. Le renforcement des unités de maintien de l’ordre existantes, CRS et gendarmes mobiles dont les effectifs ont fondu au cours de ces dernières années. Le déploiement d’unités de police judiciaire capables de traiter dans l’urgence les procédures les plus complexes ayant trait au sujet. Pourquoi pas sous l’autorité directe de magistrats. Mais aussi la possibilité de reprendre dans les meilleurs délais, possession du terrain. Il s’agirait, à ce stade, de réinventer la police de proximité.

Bien entendu, une telle stratégie repose avant tout sur une volonté politique d’en finir avec un phénomène qui ne peut, en l’état, que conduire à la catastrophe. A cet égard, la responsabilité des juges est évidente tant il est certain que rien ne pourra se faire et s’inscrire dans la durée sans eux. La balle est immanquablement dans leur camp.

Olivier DAMIEN

Conseiller régional de BFC

Délégué national à la justice de l’Avenir Français